Compromis de vente : Quels risques si je refuse de conclure la vente ?
En matière de vente immobilière et en pratique, avant la vente définitive chez le Notaire, un compromis de vente est signé entre les parties.
Ce compromis, souvent rédigé par un agent immobilier ou par un Notaire, doit être soigneusement rédigé.
Il est en quelque sorte un « contrat préparatoire » qui va permettre de constater les engagements réciproques des parties et notamment celui de vendre pour le vendeur et celui d’acheter pour l’acquéreur.
Bien souvent, il va fixer une « date butoir » c’est-à-dire une date à partir de laquelle il sera possible pour le vendeur de mettre en demeure l’acquéreur de réitérer l'acte authentique (de signer l’acte définitif chez le Notaire).
Ainsi, à partir de cette date, le vendeur pourra soit contraindre l’acquéreur à acheter (exécution forcée de la vente) soit poursuivre la résolution de la vente (en clair se délier du compromis) et solliciter des dommages-intérêts.
A noter toutefois qu’il existe une certaine « protection » légale pour l’acquéreur non-professionnel avec le « droit de rétractation » de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit que l’acquéreur non-professionnel d’un immeuble d’habitation peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.
Mais une fois ce délai de rétractation dépassé, que se passe-t-il si l’acquéreur refuse finalement d’acheter sans raison légitime ? En clair, que se passe-t-il si l’acquéreur décide de ne pas réitérer la vente devant Notaire alors que toutes les conditions suspensives (notamment celle du prêt) étaient levées ?
A quoi s’expose-t-il ?
Risque n°1 : La poursuite de l’exécution forcée de la vente en cas de refus injustifié
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Etape 1 : Saisir le juge pour exécuter la vente
Le principe est que la promesse synallagmatique de vente vaut vente. En cas de défaillance du vendeur ou de l’acquéreur, l’autre cocontractant peut le poursuivre afin d’obtenir l’exécution forcée de la vente par devant le Tribunal de grande instance (R. 211-3 du COJ). Selon la demande, le juge soit condamne la partie défaillante à régulariser l’acte authentique dans un certain délai sous astreinte, soit constate directement la vente. Si dans le premier cas le cocontractant ne défère pas à l’injonction judiciaire, il est nécessaire de saisir à nouveau le juge afin qu’il rende un jugement constatant la vente. Pour éviter cette double saisine, il est possible de solliciter un jugement prévoyant qu’à défaut de réitération par acte authentique de la vente dans le délai imparti, le jugement lui-même vaudra vente.
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Etape 2 : Publier la promesse notariée au service de la publicité foncière
La promesse synallagmatique de vente établie par acte authentique, même assortie de conditions suspensives, doit être publiée au service chargé de la publicité foncière (Art 28, 1° du décret du 4 janvier 1955). Elle permet l’opposabilité des droits de l’acquéreur et lui évite de se faire primer par un acquéreur concurrent ou un créancier du vendeur.
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Etape 3 : Publier le jugement valant vente
Le jugement lorsqu’il vaut vente doit être publié au service chargé de la publicité foncière à la diligence du greffier et de l’avocat poursuivant. Sa publication est obligatoire et doit se faire dans le délai de 3 mois du jour où il est devenu définitif, afin d’être opposable aux tiers. Le transfert de propriété est considéré s’être opéré à la date de l’assignation, sauf précision contraire du jugement.
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Etape 4 : Paier le prix de vente et les frais
Lorsqu’une sommation est faite au vendeur de se présenter à l’étude du notaire pour signer l’acte de vente, l’acquéreur doit les libérer les fonds dans l’éventualité où le vendeur se présenterait pour signer l’acte, car celui-ci peut à tout moment décider de s’exécuter plutôt que de laisser se poursuivre l’instance en cours. En pratique, la poursuite de l’exécution forcée est difficile pour l’acquéreur qui doit bien souvent recourir à un prêt bancaire pour financer son acquisation en totalité ou en partie. Quand bien même l’acquéreur obtiendrait son crédit, celui-ci demeure tenu vis-à-vis de sa banque au paiment des échéances de remboursement et/ou des intérêts alors même qu’il n’a pas la certitude de devenir propriétaire du bien.
Risque n°2 : la résolution de la promesse synallagmatique de vente et le paiement de dommages-intérêts en cas de refus injustifié
Si une vente formée n’est pas exécutée spontanément ou aux termes d’une procédure en exécution forcée, elle doit être résolue par voie de notification ou amiablement. En cas d’échec, la résolution de la vente peut se poursuivre soit judiciairement, soit par le jeu d’une clause résolutoire si une telle clause a été stipulée dans ladite promesse.
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Cas n°1 : la résolution de la vente par notification
En cas d’inexécution grave, la partie non défaillante doit mettre en demeure son co-contractant de satisfaire son engagement dans un délai raisonnable (Art 1226 c. civ). Cette mise en demeure doit mentionner qu’à défaut pour le débiter de satisfaire à son engagement, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Si l’inexécution persiste le créancier lui notifie la résolution et les motifs, soit par LRAR soit par voie de signification. La résolution prend effet à la date de sa notification. Le débiteur peut saisir le juge pour contester la résolution et ce à tout moment. Dans une telle hypothèse, le créancier devra justifier de la gravité de l’inexécution.
Cette voie peut présenter un intérêt lorsqu’il n’a pas été prévue de clause résolutoire dans la promesse.
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Cas n°2 : La résolution amiable de la vente par les parties
Elle suppose l’accord réciproque des deux parties de mettre un terme à leur promesse, qui peut être formalisé par un écrit, courriels, ou un protocole transactionnel. Par ailleurs, les conséquences d’une telle résolution doivent également être formalisées. Ces conséquences sont le plus souvent pécuniaires. Elles concernent classiquement la restitution de la somme versée par l’acquéreur, les éventuels dommages et intérêts versés à la personne qui souhaitait poursuivre la vente. Les parties peuvent également convenir ou non de l’effet rétroactif de la résolution.
En matière de droits de mutation la résolution amiable emporte en principe les conséquences d’une nouvelle mutation et donc l’exigibilité d’une seconde taxation. Sauf exception, les droits dus sur la mutation résolue ne sont pas restituables. Les droits seront liquidités sur le prix qui sera exprimé dans l’acte de résolution. A défaut de mention, les droits seront liquidés sur la même base que le contrat primitif.
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Cas n°3 : La résolution judiciaire de la vente
L’une des parties peut saisir le juge pour que soit prononcé la résolution judiciaire de la vente aux torts de la partie défaillante, outre la condamnation à des dommages et intérêts (Art. 1231 C. civ). Toutefois, il est possible qu’une clause de renonciation par avance au droit de demander la résolution judiciaire soit prévue dans la promesse.
Ainsi, constitue un manquement caractérisé justifiant la résolution : le défaut de paiement du prix par l’acquéreur ou encore le refus de signer l’acte authentique de vente. Les conséquences pécuniaires de la résolution sont fixées par le juge, sauf si elles ont été anticipées par une clause pénale dans ledit acte. De même la date d’effet de la résolution est fixée par le juge, et à défaut elle est fixée au jour de l’assignation (Art. 1229 al 2 C. civ).
Ainsi, un acquéreur a obtenu la résolution de la vente outre des dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel, outre le remboursement de la commission de l’agent immobilier, dans le cas où celui-ci avait appris avant la signature de l’acte authentique de vente que son vendeur avait réalisé des travaux d’extension sans permis de construire. La cour de cassation a reconnu la faute du vendeur en exécutant des travaux en dehors de la règlementation causant un préjudice à l’acheteur qui pouvait craindre une sanction éventuelle et future de l’Administration (Cass. 3è civ., 3 juin 2009, n° 07.19097).
La résolution judiciaire n’entraîne pas l’exigibilité des droits de mutation à titre onéreux. Seuls seront dus les droits sur la mutation initiale.
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Cas n°4 : la résolution de la vente par le jeu de la clause résolutoire
Sa mise en jeu de plein droit suppose que les parties aient préalablement anticipé le risque de défaillance de l’une d’elle par l’insertion d’une clause expresse dans la promesse.
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Application de la clause pénale
Si celle-ci est prévue au compromis, il pourra également mobiliser la clause pénale à condition de respecter scrupuleusement les conditions du compromis et notamment la formalité préalable de mise en demeure de signer l’acte définitif.
La clause pénale est une clause par laquelle le vendeur et/ou l’acquéreur s'engage(nt), en cas d'inexécution de son obligation principale, à verser à l'autre, à titre de dommages-intérêts, une somme forfaitairement fixée (pour un exemple de clause pénale : « En application de la rubrique " réalisation " et après levée de toutes les conditions suspensives, il est convenu, au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, qu'elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit, en supportant les frais de poursuites et de recours en justice et sans préjudice de tous dommages-et-intérêts. Toutefois, la partie qui n'est pas en défaut pourra, à son choix, prendre acte du refus de son co-contractant et invoquer la résolution du contrat. Dans l'un et l'autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n'est pas en défaut percevra de l'autre partie, à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice, une somme égale à 10 % du prix de vente »).
Cette clause pénale est fréquemment fixée à 10 % du prix de vente.
Le vendeur pourra alors saisir le tribunal afin de solliciter que l’acquéreur soit condamné à lui verser la somme prévue au titre de la clause pénale.
Le Juge pourra condamner l’acquéreur au paiement de cette somme étant précisé que le Juge dispose toutefois d’un pouvoir modérateur (le montant de la clause pénale pouvant être modéré ou augmenté d'office par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire).
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En résumé, le vendeur ne sera pas sans recours si l’acquéreur refuse finalement de signer sans motif légitime (à réserver notamment le cas de l’acquéreur d’une modification substantielle des conditions de la vente entre le compromis et la vente définitive).
Il faut donc garder à l’esprit qu’un compromis de vente immobilière, comme tout contrat en général, peut être lourd d’engagements.
Il ne faut donc pas prendre à la légère la signature d’un compromis de vente et il ne faut pas hésiter à se faire assister et conseiller par des professionnels du droit immobilier lors de tout processus d'acquisition.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions en lien avec mon article ou pour vous assister et vous conseiller dans un dossier.