L’exigibilité des loyers commerciaux pendant la période Covid-19
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n’a pas suspendu l’exigibilité des loyers commerciaux qui peuvent être payés spontanément ou par compensation, mais interdit l’exercice de voies d’exécution forcée par le bailleur en vue de leur recouvrement.
Le jugement de la 18e chambre du tribunal judiciaire de Paris du 10 juillet 2020 nous fournit une première grille de lecture sur l’appréhension par les juridictions du contentieux relatif aux loyers commerciaux impayés durant la période de fermeture administrative imposée afin d’éviter la propagation de la covid-19. Si nous pouvons d’emblée regretter que cette décision ne se prononce pas sur l’effectivité du recours à des notions telles que la force majeure ou l’exception d’inexécution, elle n’en demeure pas moins riche d’enseignements. En effet, ce jugement met en évidence l’exigibilité des loyers commerciaux durant cette période et permet une résurgence remarquable de la bonne foi qui, comme à son habitude, tempère les ardeurs des contractants trop vindicatifs.
Sources :
- Dalloz Actualité.
- Lire le communiqué de presse (du 15 juillet 2020)
- Consulter la décision de la 18ème chambre du TJ de Paris (du 10 juillet 2020)
Reproduction du communiqué :
“Le tribunal judiciaire de Paris était saisi de la question de savoir si un restaurateur, qui n’a pas pu ouvrir au public son commerce du fait des mesures prises pour éviter la propagation du virus Sars-Cov-2, était redevable envers son bailleur des loyers et charges échus entre le 14 mars et le 2 juin 2020, période de fermeture des cafés – restaurants.
Le bailleur demandait le paiement intégral du loyer du 2 ème trimestre 2020, par voie de compensation avec une somme qu’il devait au locataire. Pour s’opposer à la compensation, et donc ne pas être condamné au paiement de ce loyer, le locataire, sans se prévaloir d’un cas de force majeure ou d’un manquement du bailleur à ses obligations, soutenait que l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 avait suspendu l’exigibilité du paiement des loyers de cette période dite juridiquement protégée.
Le tribunal écarte cette argumentation, relevant que cet article 4 interdit l’exercice de voies d’exécution forcée, mais ne suspend pas l’exigibilité du loyer qui peut être spontanément payé ou réglé par compensation, si le bailleur est, de son côté, redevable de certaines sommes à son locataire.
Le tribunal retient en outre que, les contrats devant être exécutés de bonne foi selon l’article 1134 devenu 1104 du code civil, les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives. Constatant qu’en l’espèce le bailleur avait fait des propositions d’aménagement du paiement du loyer échu pendant la période dite juridiquement protégée et que le locataire n’avait pour sa part fait aucune proposition en retour, le tribunal a retenu que le bailleur avait exécuté de bonne foi ses obligations et a fait droit à sa demande de paiement intégral du loyer du 2ème trimestre 2020, par la voie de la compensation.”